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Scénographie ou Dramaturgie Olfactive ?
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Laurence Fanuel
Parfumeuse, Grasse

Revue d'une parfumeuse sur 16 années d’odorisation de spectacles à destination des nouvelles générations de créateurs, pour construire ensemble ces nouveaux métiers de l’art immersif.

On ne parfume pas l’air comme on parfume les gens

Depuis 16 années que j’explore le pouvoir des odeurs libérées du flacon afin d’étudier ce qu’elles peuvent apporter dans différents univers sensoriels, il m’a semblé que ce moment foisonnant de l’histoire était tout à fait approprié pour faire le point sur ce qui avait été créé, comment, pourquoi, sur les enseignements aussi bien esthétiques, dramaturgiques que techniques que nous pouvions en tirer, afin que tous ceux qui se lancent à leur tour dans ces explorations puissent s’enrichir de ce qui a été fait pour aller plus loin et plus profondément dans les questionnements que ce travail ne manque pas d’amener. Ce congrès d’octobre 2022 à Toulouse est d’ailleurs, à ce titre, un moment de partage exceptionnel qui reflète la démarche humaniste des deux personnes qui l’ont organisé. Merci à Emilie et à Anne-Charlotte d’avoir invité les explorateurs du nez de tous horizons. Car entre l’intime et le collectif, c’est l’identité humaine autant que nos diversités sensibles qui sont à l’étude !

Le travail de recherche artistique de L’Atelier de Rosa Rose est possible grâce à la société Accords et Parfums, qui accompagne de nombreux parfumeurs indépendants et qui, en digne héritage de la pensée d’Edmond Roudnitska - parfumeur indépendant phare de Christian Dior dans les années ’50 et ’60 -, permet aux parfumeurs d’explorer tout ce que cet art a encore à révéler. Je les en remercie du fond du cœur !

Demandez le programme !

Depuis 2008, ce ne sont pas moins de 12 spectacles de théâtre, concerts et dîners de chefs étoilés pour lesquels j’ai pu imaginer la scénographie olfactive, ceci le plus souvent en parallèle d’une carrière dans l’industrie des parfums, les deux se nourrissant mutuellement (Fig.1). Il y eut aussi, pendant cette même période, des démarches vers l’art contemporain, avec la réalisation de 11 expositions multisensorielles, odorisations de musées, de lieux d’Art et d’Histoire (Fig.2). Même s’il existe des points communs entre les deux mondes, nous nous concentrerons, dans cet article, sur l’odorisation de spectacles, la vision du parfumeur entrant dans l’art contemporain fera, quant à elle, l’objet d’un partage de réflexion séparé.

Pourquoi odoriser des spectacles ? Notre réalité est multisensorielle. La cohérence des sens.

Le travail de l’acteur tel qu’exploré dans le cadre du théâtre du mouvement en France dans la lignée du mime Marcel Marceau puis de Jacques Lecoq, et des techniques de l’Actor Studio à New York mises au point par Constantin Stanislavski, à qui Peter Brook succéda, invite l’acteur à travailler sur sa connexion aux sens et aux ressentis afin de permettre l’incarnation du personnage dans le corps de l’acteur, dans l’ici et le maintenant de l’histoire. Le message de l’acteur est cohérent - donc crédible - si l’acteur utilise ses cinq sens de façon cohérente pour délivrer le message du personnage. La communication est aussi non verbale, nous lisons le langage du corps, bien souvent de façon non consciente, les messages corporels et le texte doivent donc être cohérents pour paraître « vrais ». L’empathie est alors au rendez-vous. La cohérence des sens est clé pour faire vivre une expérience multisensorielle

J’ai eu à maintes reprises l’occasion de suivre des stages de théâtre avec des formateurs extrêmement investis, de monter une troupe, de jouer dans des œuvres théâtrales. Cette expérience m’a amenée à comprendre une chose : l’énergie de la vie se situe à la croisée des sens. S’il l’est pour l’acteur, il l’est aussi pour le spectateur. Dans ce monde multisensoriel, le sens de l’olfaction est le sens le plus immersif de tous, car il est directement relié à la respiration, notre lien inaliénable à la vie. Sentir, c’est respirer, c’est se sentir vivant. Les travaux du professeur Th.Hummel (Taste and Smell Clinic, Dresden) avec des personnes ayant perdu le sens de l’olfaction va dans ce sens, puisque 80% des gens ayant perdu l’odorat sont déprimés et se sentent « exclus du monde », comme si, en présence de l’odeur, le cerveau intégrait toutes les informations sensorielles en une image enfin tridimensionnelle.

Au vu de tous ces faits, il était donc important d’explorer l’apport des odeurs dans le théâtre afin de travailler sur le vécu des spectateurs et leur voyage au cœur de l’histoire. La pièce de théâtre « Les Parfums de l’Âme » de Violaine de Carné a ainsi été au cœur du projet ANR Kôdô (Projet-ANR-10-CREA-0003 : La création olfactive : du Kôdô vers les pratiques artistiques contemporaines) coordonné par Chantal Jaquet avec le CNRS - Didier Trottier- et l’INRA - Roland Salesse, dont les conclusions sont relatées dans « L’Art Olfactif Contemporain » (2015). La thèse de Dominique Paquet « La dimension olfactive dans le théâtre contemporain » publiée en 2004 avait d’ailleurs déjà posé les premières pierres de cette exploration sensorielle au théâtre tout comme le travail du parfumeur Michel Roudnitska qui, quant à lui, commença à odoriser des spectacles à partir des années ‘90.

« Je pense » (Descartes)
je vis dans mon néo-cortex (cerveau rationnel)
pensées logiques à suis-je réellement connecté.e à la réalité?

« Je sens » - J’utilise mes 5 sens
je vis dans mon corps
mes sens sont reliés
mon cerveau limbique
me relie à mon instinct et à mes émotions
sont ensuite analysées par mon néo-cortex
je – mes pensées - sont davantage reliées à la réalité
Je sens, je ressens… donc je suis

Pourquoi faire entrer les odeurs dans le théâtre ou des spectacles – en résumé :

1. Les odeurs rendent le spectacle le plus immersif possible, il s’adresse à tous les sens en un théâtre multisensoriel – le spectateur est amené à vivre au lieu de penser le spectacle; avec l’odeur, l’immersion est totale, le voyage imaginaire intégral.

2. L’odeur renvoie chaque personne à sa propre histoire, va rechercher des souvenirs personnels très profonds, stimule le vécu intérieur en parallèle avec l’histoire sur la scène.

3. L’odeur permet à l’histoire de couvrir plusieurs niveaux de conscience, de créer des doubles sens, des sensations, de faire se poser des questions, d’être “remué” subtilement, invitent les é-motions.

4. L’odeur peut aussi définir des espaces, compléter le décor.

5. L’odeur peut souligner le temps qui passe, préciser le temps du déroulement de l’action.

6. L’odeur ancre des souvenirs très profondément, elle ancre donc également le souvenir du spectacle.

7. … Il y a autant de possibles qu’il y a d’histoires et de metteurs en scène! Et c’est ce qui fait la richesse de ce métier de parfumeur de scénographies olfactives.

Scénographie ou dramaturgie olfactive ?

Certains, comme Pierre Bénard, font référence à la régie olfactive. Pour ma part, je ne parle ici que du parcours qui motive la création des odeurs pour les intégrer dans un spectacle en construction, que ce soit du point de vue esthétique ou technique. Bien sûr, il faudra prendre en compte, pour les créer, des moyens de diffusions envisagés et d’en comprendre les contraintes pour y répondre, mais jouer les fragrances pendant le spectacle reste pour ma part un autre métier qui s’intègre dans la régie globale du spectacle, de sa gestion in situ.

La scénographie désigne l’étude de l'art de la scène par des moyens techniques à disposition. Le scénographe est celui qui compose avec des volumes, des objets, des couleurs, des lumières, et des textures… auquel nous ajouterons donc les parfums ! La conception d’un espace scénique est rendue libre par le fait qu’il n’a pas à être une représentation de l’existant. Une scénographie ne copie pas une forme du réel, elle a une valeur autant métaphorique que visuelle.

La dramaturgie est l’art de transformer une histoire, vraie ou imaginaire, en un récit construit, comportant un ou des personnages en action. L’odeur peut donc aussi agir sur le « signifiant » de l’histoire, soit de façon ostensible, soit en « sous-marin ».

Dans un même spectacle, l’odeur peut participer alternativement au décor (scénographie olfactive) ou ajouter des éléments clés à l’histoire (dramaturgie olfactive) au fur et à mesure de son déroulement. Pour le scénographe olfactif qui crée en parallèle du spectacle en gestation, il s’agit d’imaginer comment l’odeur aide à construire l’histoire, comment les odeurs interagissent avec les autres éléments sensoriels, le texte, …, pour en approfondir ou en modifier le sens. Les odeurs, parce qu’elles sont en général peu conscientisées par tout-en-chacun (le sens olfactif est celui auquel on porte le moins d’attention dans notre monde ultra-visuel), ont un pouvoir indéniable sur le subconscient, ont la capacité de faire resurgir des émotions enfouies profondément, qui à leur tour font vivre le spectateur.

Étude de quelques scénographies réalisées par L’Atelier de Rosa Rose.

Pour un travail immersif intégré et cohérent, les odeurs ont été abordées dès le début de la construction du spectacle et les collaborations ont chacune demandé entre une et trois années de travail.

1/ La Bête, compagnie Le Tir et la Lyre, 2017

https://www.tiretlalyre.com/la-bete

Ecriture et mise en scène Violaine de Carné
Assistante Ines Benkhicham
Comédiens Xavier Clion – Kimiko Kitamura
Scénographie Liina Keevallik
Plasticienne olfactive transmédias Laurence Fanuel
Création lumières Frédérique Steiner-Sarrieux
Création sonore et construction Baptiste Marty
Création vidéo Gilles Boustani
Diffusion Vidéo Emmanuel Ramaux
Costumes Emmanuelle Mothe
Avec la participation de Bousny Luang Phinith (Le Jardinier), Violaine de Carné (la rose/ la mère) et pour les roses : les voix d’Inès Benkhicham, Anne Mazarguil et de Sophie Torresi.

Diffusion d’odeurs en salle Scentys
Diffusion d’odeurs sur scène Sensorys

On assiste ici à la création d’un théâtre “impressionniste”, où les scènes sont décomposées en ses éléments sensoriels, en vidéos très colorées, un personnage en ombre chinoise, des voix off, le jeu des acteurs, des chansons et des odeurs. A partir de cette avalanche de stimuli, le spectateur doit reconstituer une image, sa propre histoire intérieure. Dans une telle construction, l’intégration de tous les sens est un travail subtil, dans lequel il faut particulièrement faire attention aux redondances, trop de tout peut devenir lourd, car l’imaginaire du spectateur a besoin de « blancs », de respirations dans lesquelles explorer ses propres ressentis. Cette exploration est source d’une richesse de vécus émotionnels.

L’odeur personnage, l’odeur décor, l’odeur espace-temps, l’odeur saison, …
L’odeur, ici, est d’abord personnage. Bien qu’elle soit physiquement attrayante, la Bête sent mauvais et se cache à la vue de tous, y compris du spectateur. Il nous apparaît que, dans ce travail de créer une odeur repoussante, il y ait encore moins de consensus parmi les gens qu’en ce qui concerne les « bonnes » odeurs. Ici, une « mauvaise » odeur peut s’avérer être totalement insupportable pour les uns bien qu’acceptable pour les autres, drôle de dilemme quand on ne veut pas vider la salle avant la fin du spectacle. Sur La Bête, nous avons réussi à accommoder une odeur corporelle hautement assumée avec des notes musquées et miellées, qui rendent en même temps ce personnage plutôt sympathique, bien que son odeur soit suffisamment dérangeante pour que le spectateur devienne empathique avec le problème existentiel de ce personnage. On assiste ici à une verbalisation du dégoût au fur-et-à-mesure que l’odeur s’étend dans la salle et l’on peut être content « de ce que cela joue » !
L’odeur est aussi la rose-maman, la rose récessive qui va chercher dans nos vécus de bébés la note florale et vanillée du talc associée à l’amour maternel partagé lors de ces moments de soins privilégiés. L’odeur est donc aussi symbole et ramène de nos bibliothèques de souvenirs des impressions chargées de sens profonds. L’odeur ici accompagne simplement la voix et donne chair à ces sons. L’odeur fait revivre les absents.
Une autre odeur représente le massif de roses au cœur du jardin, elle personnifie le caractère « piquant » de ces roses-commères, donne vie à des objets au départ inanimés, tout en donnant donnant une dimension supplémentaire au jardin, au décor. Elle plante le spectateur dans le lieu de l’action, elle y permet sa téléportation.

Du côté technique, nous devons soit chasser une odeur par une autre, soit travailler leur mélange. Leur remplacement ou leur interpénétration potentielle va d’abord dépendre de l’aéraulique de la salle, facteur-clé en particulier pour les théâtres de grandes tailles. D’une salle à l’autre, l’aéraulique change, c’est une donnée inconnue avec laquelle il faut composer. On peut donc concevoir la succession des odeurs de telle sorte que leurs mélanges soient harmonieux si cela doit arriver. Nous pouvons aussi jouer avec l’intensité et la « texture » dans l’air de chacune des odeurs. Ou encore insérer une effluve « un peu plus transparente »

au bon endroit qui peut agir comme « un nettoyant » de l’air, tout comme l’utilisation de ventilateurs peut aussi chasser les intruses. Néanmoins dans ce dernier cas, le rôle haptique de l’air en mouvement est à prendre en compte dans « ce que cela raconte au spectateur » puisque tout devient important dans une scénographie multisensorielle. Quand les sens sont sollicités, tous les sens sont aux aguêts et la moindre information sensible sera soumise à interprétation. Avec un théâtre sensoriel, on rentre dans le monde du subtile.

2/ Nez-à-Nez, Le Centre Imaginaire, 2021

https://centreimaginaire.com/portfolio-item/nezanez/

Mise en scène, jeu : Jean-Baptiste Sugier
Scénographie & régie plateau : Clémentine Cadoret
Création sonore, régie son & lumière : Christina Firmino
Création des parfums : Laurence Fanuel
Composition musicale : Romain Joubert
Création lumière, construction métal : Guillaume Tarnaud
Regards extérieurs : Christophe Guétat, Henri Bruère Dawson
Technicien son : Johan Caballe
Ingénierie olfactive : Nicolas Aube
Réalisation des costumes : Lorraine Jung, et Fabrication textile : Cyrielle Goncalves
Coach vocal : Emmanuel Robin
Production diffusion : Eric Paye,
Alexandra Veyrac, chercheuse CNRS (neurophysiologie- CNRS Lyon)
Nathalie Buonviso, chercheuse CNRS (neurophysiologie- CNRS Lyon)

Il s’agit d’un spectacle art-science, où les connaissances de chacun ont permis d’écrire ce spectacle directement dans la matière sensorielle (sans texte au départ). Ici, le spectacle s’est même écrit autour des odeurs, pas-à-pas, les sens jouant leur partition autour d’elles comme un orchestre de jazz, cherchant des harmonies, des images fugaces, évitant les redondances, soulignant des entre-textes : l’odeur dit ce que les mots ne disent pas – et est entendue par le subconscient.

Une barraque foraine, un bonimenteur vous invite à vivre une aventure nasale.

Le choix de travailler sur une jauge de 30 personnes donne une petite forme de spectacle beaucoup plus simple à odoriser, moins coûteuse et plus ludique à jouer.

Odeurs et sons purs sont les partenaires intimes du spectacle, mélangés en chassé-croisés subtiles et inventifs, créent chez le spectateur des images intérieures, mobilisent aussi leur corps (comme une marche en forêt suggérée). Entre figuration et art abstrait, sons et odeurs laissent la place à l’évocation sans être trop précis, créent un monde totalement subjectif, un élan introspectif, basé sur des souvenirs universels. Nager ainsi dans l’inconnu de la création demande de mettre sur la scène un très grand nombre d’idées olfactives afin qu’elles donnent une trame qui va permettre de tisser une histoire. Ensuite seulement elles seront revues et affinées pour cristalliser l’ensemble.

Ici, la diffusion des odeurs est artisanale, inventive et manuelle comme dans un monde totalement imaginaire : tissus, ventilateurs sont les outils mis en œuvre et permettent, dans une petite jauge, de doser la juste quantité d’odeur. Les odeurs se prêtent particulièrement bien au théâtre d’objets, aux contes, où l’on peut assumer de les agiter dans l’air lors du déroulement de l’histoire, comme dans la pièce « Il était une fois le monde » (2012, Théâtre du Temps).

Autour du spectacle, la voie est également ouverte à la création plastique, au monde magique du cirque avec ses excentricités. On voyage dans un monde totalement imaginaire !

3/ Odorisation du dîner multisensoriel « 7 étoiles pour la recherche sur l’Alzheimer », Genève, 2015

Les chefs étoilés : Michel Roth, Emmanuel Renaut, Benoît Violier
Concert et organisation : Carousel of Senses, Michel Le Roux
Perfume Jockey : Emmanuel Martini
Odorisation : Keva Perfume Company, Laurence Fanuel

L’idée de ce repas de gala multisensoriel est de permettre à l’odeur et à la musique de rendre l’expérience gustative immersive et holistique. Cela est d’autant plus un challenge que les chefs étoilés travaillent des plats tout en délicatesse, qui sont déjà, à eux seuls, une symphonie totale et subtile. Que pouvait-on donc y apporter ?

Il était donc crucial de se rencontrer en amont, de plonger dans le style culinaire de chaque chef, de se mettre d’accord sur le sens du menu, sur l’histoire qui devait se raconter au cours du dîner, et les ressentis que nous désirions associer avec chacun des mets associés à une odeur.

Le menu a été conçu, de commun accord, pour raconter les phases de la maladie, en tentant de faire ressentir les vécus des malades qui passent par ces étapes, toujours difficiles à digérer, pour néanmoins avancer vers l’espoir d’y remédier.

Les odeurs ont été créées pour s’intégrer aux plats, afin que leurs effluves se mêlent dans l’air avant de déguster, le nez préparant l’attente de l’expérience en bouche, l’ensemble se voulant une explosion sensorielle dans la bouche mais aussi dans le corps et dans la tête !

D’un point de vue esthétique, il était important que les parfums semblent naturels, dans des textures qui rappellent celles que l’on trouve dans le goût, afin d’éviter de « manger du parfum ou du savon » qui n’aurait pas manqué de dénaturer la subtile expérience gustative. On ne mange pas du parfum, le parfum nous met en situation pour donner une valeur hédonique supérieure au plat en rendant sa dégustation immersive.

Voici donc comment les annonces, les plats et les parfums se sont mélangés, en espérant que les descriptifs vous permettent d’imaginer les mélanges :

L’apéritif : La vie est belle.
Le parfum : Spark of life : un mélange pétillant de citrons et de pamplemousses, gaiement additionné de fleurs blanches et rafraîchi par une touche amère de galbanum, de tout longuement macéré dans une eau-de -vie.
Le plat : Fin consommé iodé de « Crabe bataillet » à l’Osciètre Impérial.

L’entrée : L’annonce.
Le parfum : Avec un ciel si bas… : Une fragrance marine et aromatique avec un effet « cooling » dont le côté aérien est texturé par des notes poivrées et fumées, ambiance d’un jour en bord de mer du Nord.
Le plat : Biscuit de brochet et lotte du lac, jus d’oignons paille, orties.

Le plat : Le chaos.
Le parfum : White cocoon : Une fragrance santalée et musquée, volumineuse comme un nuage, dont l’harmonie ouateuse est perturbée par une touche métallique de pêche- cassis, comme un coup de couteau.
Le plat : Médaillon de veau piqué à la verveine, tarte fine à la pêche, vinaigrette de petits pois.

Le dessert : L’espoir.
Le parfum : Summer mandarin : Une note d’herbe coupée, aussi verte que l’espoir, s’envole emportée par une mandarine juteuse intimement mélangée à des fleurs blanches solaires légèrement vanillées
Le plat : Baba mojito, rafraîchi au jus de fraise.

Ce dîner immersif pour 350 convives, fût extrêmement bruyant, comme si la libération de tous les sens invitait à la vie !

Scénographie – dramaturgie olfactive :
le design d’odeurs pour les spectacles et événements. Résumé

L’esthétique

• Une odeur doit éviter de ressembler à un parfum à porter, c’est une odeur de voyage, on dessine un paysage. Exception s’il s’agit de l’odeur d’un personnage, éviter néanmoins de confondre « avec le parfum d’une personne dans la salle ».
• L’odeur peut être figurative ou abstraite.
• On privilégie des odeurs directes, simples.
• L’odeur agit en cohérence avec les autres sens pour donner du confort. Si l’on est dans l’incohérence, on suggère de l’inconfort.
• Il est utile de s’intéresser au paysage olfactif des pays où l’on désire envoyer le spectateur : l’art culinaire est très inspirant, on peut tenter de transcrire des goûts en odeurs.
• Les souvenirs collectifs sont une manne d’inspiration.
• Jouer avec les autres sens sollicités, comme dans un orchestre de jazz, jouer avec les sens sur le sens.
• Travailler les mélanges dans l’air si le mélange ne peut être évité, le mélange raconte aussi quelque chose aux spectateurs.

La technique – le choix des molécules :

• Elles doivent diffuser rapidement et rester perceptibles même diluées dans un grand volume d’air, rester « en harmonie » pendant la diffusion.
• Leur dosage doit être minimum pour un maxiumum d’effet afin de permettre le passage à l’odeur suivante avec le minimum de mélange.
• Eviter si possible les molécules qui ont tendance à se déposer et à s’accumuler (par ex. les notes boisées ambrées).
• S’adaptent à la technique de diffusion – diffuseurs ou objets.
• Attention aux flux de chaleur humaine qui viennent perturber tous les essais réalisés en salle vide.

En conclusion.
L’introduction des odeurs dans les spectacles offre une énorme palette de possibles qui enrichit indéniablement l’art immersif. Néanmoins, il appartient de gérer ce sens avec toute la subtilité qu’il requiert, tant son impact au niveau du vécu peut être perturbant. Il demande une compréhension de notre nature humaine multisensorielle pour cheminer dans la délicatesse et avec bienveillance, et éviter les lieux communs ou l’écœurement. Même si toutes les émotions peuvent être étudiées, il convient de les aborder avec le maximum de légèreté. Les odeurs nous révèlent cette partie de nous que nous écoutons si peu et qui sera mise en mouvement, profondément, par elles.

Fig.1 - 16 années d’odorisation de spectacles par L.Fanuel
Scénographie / Théâtre / Concerts / Dîners : #12 spectacles

· Dramaturgie et scénographie olfactive pour la pièce « Nez à Nez » par le Centre Imaginaire, Drôme, Avignon juillet 2022, tournée 2022- 2023

· Scénographie olfactive pour la pièce « Le Sommeil des Diables » par la compagnie Anouk, Paris 2021-2022.

· Dramaturgie et scénographie olfactive avec la compagnie le Tir et la Lyre pour les pièces « La Bête », « Les Parfums de l’âme », « l’Encens et le Goudron », pour les visites en musée de la Compagnie (L’Institut de Monde Arabe, le Musée de l’homme), Paris 2014- 2019. “Les Contes Olfactifs” en préparation.

· Création exclusive des odeurs en cohérences avec les plats des chefs étoilés pour le Gala “7 étoiles pour Alzheimer » organisé par l’association de la Recherche pour Alzheimer à l’Hôtel Président Wilson à Genève, en 2015 avec le parfume Jockey E. Martini et le Carousel des sens.

· Tomorrow Land Festival – Odorisation de l’évènement – concerts “Elixir of life”, Belgique, 2015.

· Mise en odeurs des musiques lors du concert « spécial anniversaire de d’un chanteur des années ’80 » au théâtre Dejazet à Paris en 2014 avec le Perfume Jockey E. Martini.

· Mise en ambiance olfactive “Enfer et Paradis”, autour de la pièce « Drek », Théâtre Liberté, Toulon, 2013 (Charles Berling).

· Création du spectacle, actrice et odeurs du spectacle “Il était une fois le Monde”, avec Pierre Forest, Théâtre du Temps, Paris, 2012.

· Mise en odeurs en cohérence avec les musiques de la Russie présentées lors d’un concert de musique classique à la Chapelle Victoria à Grasse en 2012.

Fig.2 - 16 années d’odorisation d’expositions par L.Fanuel
Art contemporain / Expositions multi-sensorielles / musées/ Lieux : #11 expositions

· Exposition olfactive à l’Abbaye du Thoronet avec les artistes Patrick et Anne Poirier, Anima Mundi, mai – sep 2021.

· Odeurs corporelles, Elisabette Zayala, Nîmes 2022.

· Exposition La Nuit Blanche à Kyoto « Omokagé Kyoto/Aix-en-Provence » avec Yasuaki MATSUMOTO (Kyoto-saga University of Arts), Kyoto, Japon, Octobre 2020.

· “Grasse au Pays des Merveilles”, exposition immersive multi-sensorielle, Grasse, Juillet 2019 : musique, peinture, odeur.

· “Schoolab” and “Karnasouk” , exposition immersive multisensorielle, Paris, mars-avril 2019.

· "Scent Festival", Château de Aarau, Suisse, octobre 2017.

· “Dialogues d’Essences” Paris, juillet 2016, janvier 2014, Strasbourg, exposition Europartvision, novembre 2014, Talence (Bordeaux), mars-avril 2017.

· Mise en odeur des anciennes fabriques Lu lors de l’exposition d’art contemporain “Voyage à Nantes”, en collaboration avec les artistes Anne et Patrick Poirier et le Perfume Jockey E.Martini en 2014.

· Participation aux congrès UNESCO à Grasse de 2014 à 2016, mise en mots et en odeurs à la cathédrale de Grasse pour la venue des ambassadeurs de l’UNESCO.

· Exposition collaborative avec le sculpteur Boris Raux à “The Crypt of St Pancras Church”, Londres, 2014.

· Création d’œuvres plastiques odorisées « Contes de fées détournés » avec le collectif « Les Artchimistes » pour le festival du film fantastique de Bruxelles en 2006

BIBLIOGRAPHIE

Théâtre
-Le comédien désincarné, Louis Jouvet, 2009, Ed. Flammarion

-Le Corps Poétique, Un Enseignement de la Création Théâtrale, 1999, Jacques Lecoq, Ed. Actes Sud

-L’Espace Vide, Écrits sur le théâtre, Peter brook, 2014, Ed. Points

-La formation de l'acteur, Constantin Stanislavski, 2001, Ed. Payot

-L’acteur flottant, Yoshi Oïda, 1992, Actes Sud

-La dimension olfactive dans le théâtre contemporain, Dominique paquet, 2004, Ed. L’Harmattan

-L’Odeur comme décors. Scénographie olfactive : Notes de têtes fortes ! dans Actualité de la Scénographie, AS°209, 01/10/2016 - Interview de Violaine de Carné/ Laurence Fanuel

Publications de Laurence Fanuel

-L’Art Olfactif Contemporain, 2015, Chantal Jaquet – Editions Classiques Garnier, avec la participation de L.Fanuel

-Les Femmes en Parfumerie, 2019, Rafaëla Capraruolo – Edité par les Soroptimist du Pays de Grasse, avec la participation de L.Fanuel

-L’Art de Distiller la Vie selon Rosa Rose. Un cahier de recherches sur les parfums, la créativité, l’invisible. Laurence Fanuel, 2021, Ed. Maïa

Liens
-Projet-ANR-10-CREA-0003 :
La création olfactive : du Kôdô vers les pratiques artistiques contemporaines. https://anr.fr/Projet-ANR-10-CREA-0003
-L’Atelier de Rosa Rose :
https://atelierrosarose.com https://tedxcannes.com/video/laurence-fanuel